Les restructurations qui touchent tous les domaines économiques depuis une décennie n’affectent pas que les travailleurs licenciés, mais bien tous les employés. Une vague d’anxiété déferle sur l’entreprise dès les premières annonces de réorganisation, chacun craint pour sa place de travail et les sacrifices qu’il faudra consentir pour la préserver.
C’est ce que vit Dominique (prénom d’emprunt). Responsable du service juridique de l’entreprise dans laquelle il a fait toute sa carrière, il a vu son service grandir ces dernières années et les conditions de travail devenir plus contraignantes. Il est en faveur d’une réorganisation, mais celle-ci se fait à marche forcée et sans consultation. Il est épuisé de se battre pour préserver ses collaborateurs et s’inquiète de pouvoir garder son poste. Des employés plus jeunes, formés aux nouvelles législations, ont été engagés. Il a cinquante ans et peine à imaginer son futur s’il devait être licencié. Il se sent en permanence stressé.
Immobilisé et en tension
Les marchés n’aiment pas l’imprévisibilité, les individus non plus. Face aux changements, il faut une bonne dose d’optimisme et de confiance pour ne pas céder à l’anxiété. Il est pourtant important de comprendre comment diminuer les anxiétés. Cette émotion est la résultante d’une réponse de stress d’inhibition qui se déclenche quand, au niveau inconscient, on pense ne pas pouvoir surmonter la situation. On est immobilisé en tension, ce qui se traduit au quotidien par une forte anxiété et une perte d’énergie.
L’anxiété projette l’esprit vers le pire possible, avec l’illusion qu’en l’imaginant on le contrôle. Mais elle n’est pas qu’un phénomène de l’esprit, le corps est également transformé, ce que la conscience enregistre comme une réalité. On vit donc ce « pire ». La répétition de ruminations catastrophistes entretient le stress d’inhibition, un cercle vicieux s’installe : plus on est anxieux plus on perd de l’énergie, moins on a d’énergie et plus on stress.
L’antidote à l’anxiété : la confiance
Je propose à Dominique de reconnaître qu’une rupture de stabilité ouvre une période d’incertitude dont la fin n’est pas annoncée, ce qui est source d’angoisse. Accepter que l’anxiété soit un phénomène « normal » lors d’une restructuration permet de ne pas s’identifier à cette émotion et baisser son influence. En étant attentif au contenu de son mental pour reconnaître le début d’un scénario inquiétant, il peut l’interrompre en activant un discours de confiance, du type « tout va bien se passer pour moi, j’ai les capacités ». Pour ancrer cette confiance, il fait le point, à la fin de sa journée de travail, sur tout ce qu’il a accompli durant celle-ci. C’est une façon de pousser la conscience à se porter sur ses réalisations, autant de preuves de l’existence de capacités. Nous stimulons également la confiance dans le futur grâce à l’imagerie mentale. Car l’antidote de l’anxiété, c’est la confiance. La confiance en soi, en ses capacités et en la vie.
Après quelques séances, Dominique m’annonce que les changements ont été annoncés : il a perdu une partie de ses prérogatives. Il se demande s’il ne va pas jeter l’éponge. Je l’invite à voir la réalité sous l’angle du phénomène : son salaire n’a pas changé, il se sent moins stressé avec une équipe réduite et la situation est stabilisée (l’imprévisibilité diminue). Une réalité qui se révèle moins grave qu’imaginée, même si cette restructuration a mis à mal sa confiance dans l’entreprise. Parviendra-t-il à la retrouver ? C’est un autre chapitre.
Certaines situations sont anxiogènes car le danger est réel. Diminuer son anxiété et pousser sa conscience vers une issue positive n’est pas un moyen de fuir la réalité. C’est au contraire une manière pragmatique de préserver son énergie dans des moments de déséquilibre, afin de ne pas être épuisé et fragilisé au moment où il faudra s’investir pour s’adapter à un nouveau contexte.
© Denis Inkei
